Les cohortes historiques ont montré que la maladie de Crohn se compliquait de sténoses ou de fistules chez 60 % des patients, surtout en cas de localisation jéjunale ou iléale[4] (Figure 1).
Figure 1. Courbes de Kaplan-Meier évaluant la probabilité de ne pas présenter de complications fistulisantes (courbe supérieure) ou sténosantes et/ou fistulisantes (courbe inférieure) à partir du diagnostic, dans une cohorte de plus de 2000 patients atteints de maladie de Crohn.
D’après Cosnes et al. Inflammatory Bowel Diseases, 2002;8(4): 244-50.
Les dernières données de la littérature à l’ère des biothérapies évaluent le risque de chirurgie liées aux complications à 12 % au cours de la première année, 18 % à 5 ans et 26 % à 10 ans[5]. L’histoire naturelle de la maladie de Crohn est donc d’évoluer progressivement vers une destruction intestinale. Le score de Lémann a été développé pour mesurer cette destruction intestinale en prenant en compte sa sévérité, sa localisation, son extension grâce à l’imagerie et à l’histoire chirurgicale[6] (Figure 2). La prise en charge de la maladie de Crohn vise donc à réduire au maximum la destruction intestinale. Il semble que l’utilisation précoce de biothérapies représente un des moyens d’atteindre cet objectif.
Figure 2. Progression de la destruction intestinale et de l’activité inflammatoire chez un patient hypothétique atteint d’une maladie de Crohn.
D’après Pariente et al. Inflammatory Bowel Diseases, 2011;17(6): 1415-22.
Une récente méta-analyse regroupant des données d’essais contrôlés randomisés et de vraie vie a montré que l’introduction de biothérapies dans les 2 ans suivant le diagnostic était associée à des taux plus élevés de rémission clinique et endoscopique, et une réduction du risque de rechute, hospitalisations pour poussée, sténoses et chirurgie intestinale par rapport à une introduction plus tardive[7]. Les données de suivi de l’essai CALM corroborent ces résultats. En effet, il s’agissait de traiter des patients bionaïfs atteints d’une maladie de Crohn récente avec un anti-TNF soit selon une stratégie de contrôle serrée en adaptant le traitement à l’activité de la maladie telle que mesurée par des biomarqueurs, soit de façon conventionnelle en se basant sur la clinique. Les patients des deux bras qui avaient atteint la rémission profonde (CDAI > 150, CDEIS < 4 sansulcérations profondes, pas de corticothérapie au cours des 8 dernières semaines) à un an avaient moins de risque de complications (sténoses, fistules), hospitalisations ou chirurgies de maladie de Crohn au cours des trois années suivantes que les autres. Cette différence n’était pas observée lorsqu’on comparait les patients uniquement en se basant sur la rémission clinique[8].
Ces données semblent donc indiquer qu’un traitement précoce et efficace permet de limiter la survenue de complications et la destruction intestinale dans la maladie de Crohn.